Dans les années 1990, Chrysler a forgé le concept de l’«entreprise étendue» : une entreprise dans laquelle les différents pôles de gestion sont interdépendants, mais avec des structures multiples et distinctes. L’interaction entre un fournisseur d’électricité et un fabricant constituerait un exemple type de ce genre d’entreprise, tout au moins aux Etats-Unis ou en Europe. En Afrique, l’entreprise étendue a besoin d’être repensée. C’est ce qu’explique Vimal Shah :

« Il y a toutes ces entreprises qui investissent en Afrique. On s’intéresse tellement à nous. Le problème, c’est que la plupart des acteurs non-Africains ne savent pas travailler ici. Pourquoi ? Parce qu’ici un cadre qui gère une entreprise doit savoir des choses sur l’eau, l’énergie, les travailleurs, leur logement, la sécurité, etc. Si je travaillais aux États-Unis, tout cela serait un acquis. Où logeront les ouvriers?

C’est facile. L’électricité ? Elle n’est jamais coupée. L’approvisionnement en eau ? Il est constant. La sécurité, ce n’est même pas la peine de s’en préoccuper : c’est le problème de l’État, ce n’est pas mon affaire. Ici, vous êtes obligé de faire toutes ces choses. Vos capacités structurelles doivent être différentes en Afrique.»

Construire sa propre infrastructure peut sembler un obstacle insurmontable pour la rentabilité. Certes, cela implique des risques et des coûts qui sont rares dans les marchés plus développés. Mo Ibrahim décrit les difficultés, mais aussi les opportunités liées au fait de construire sa propre infrastructure et d’être le premier entrant sur un marché en croissance :

« Nous avons souvent dû construire des centres télécom pour être correctement connectés, nos propres réseaux radio, des bases satellites, des générateurs, etc. C’était dur, parce que cela voulait dire que nous devions investir beaucoup. Notre dépense initiale en capital était élevée par rapport au standard du secteur. Mais elle était compensée par le potentiel du marché, et nous avons pu le faire par étapes, en commençant par la capitale puis en nous en éloignant.

D’ailleurs, posséder ces éléments d’infrastructure est devenu rentable à long terme, parce que non seulement nous ne les louions pas au gouvernement, mais en plus c’est nous qui, en fin de compte, louions les lignes et le débit aux autres acteurs. Au final, il s’est avéré que c’était loin d’être un mauvais investissement. »

Personne sans doute n’est aussi favorable à repenser l’entreprise étendue, ni n’illustre mieux son succès que Vimal Shah de Bidco, le fabricant d’huiles alimentaires. L’histoire de l’intégration verticale dans cette entreprise donne une idée des causes de sa réussite. Dès son origine, la direction de Bidco avait en tête d’aller « de la terre à la poêle », même si elle n’a pas pu mettre cette vision en œuvre dans les premières années, parce que l’entreprise était petite et que l’accès aux matières premières était difficile. Vimal raconte :

«Si vous ne vous occupez que du consommateur, vous faites votre profit sur la marque et les préparations. Cela peut marcher si le sommet de la pyramide économique est large. Ici, le sommet est très, très petit. Il va s’élargir, mais cela va se faire lentement; la classe moyenne a commencé à croître et cela va s’accélérer. Nous nous y sommes intéressés, et avons découvert qu’en vendant à cette classe moyenne, nous pouvions tirer 10% de marge de notre marque. Cela voulait dire que le reste de la valeur devait venir d’autres parties de la chaîne. Alors c’est ce vers quoi nous nous sommes tournés. Nous avons commencé par transformer le soja, le tournesol et le maïs, qui sont produits localement par de petits fermiers. Mais ce n’est pas rentable d’avoir une plantation de soja ou de tournesol, alors nous avons construit une usine de transformation pour ces graines-là, et assuré à 5 000 fermiers les débouchés et l’argent nécessaire pour qu’ils en cultivent davantage. »

Forte de cette expérience, la direction de Bidco a voulu remonter plus en amont la chaîne de valeur en cultivant, et aussi en étendant ses activités à un produit majeur : l’huile de palme.

Comme le palmier est une culture de plantation, cela signifiait …

Ce texte est un extrait du livre « Ces Entreprises qui Réussissent En Afrique » écrit par JONATHAN BERMAN.

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