La mondialisation et la religion.
Dans le domaine de la religion, la mondialisation a des implications significatives. Tout d’abord, il convient de noter le retour de la religion, non seulement sur la place publique, mais dans la conscience des observateurs. Il est impossible de regarder le monde actuel sans reconnaître la place importante qu’y occupent les religions. Le concept moderne de «religion» est d’invention assez récente, avec souvent pour objectif de mettre en garde les sociétés libérales contre la menace d’un mélange trop étroit entre religion et politique.
On cite, à l’appui, les cas multiples de conflits motivés, au moins en grande partie, par les convictions religieuses: l’Irlande du Nord, Al-Qaida, l’Inde et le Pakistan, Israël et la Palestine, etc. Cependant, il ne faut pas aller trop vite. Dans cette démarche, les religions traditionnelles, telles que l’islam, sont présentées comme cherchant à imposer leur conservatisme aux pays modernes. Cette interprétation des choses a une part de vérité. On pense à l’Ayatollah Khomeiny, par exemple, qui a effectué une révolution sur la base d’un islam intégriste, alors qu’il ne représente que l’exception qui confirme la règle.
Olivier Roy a montré qu’en fait, la plupart des acteurs de l’essor de l’islam des années 1970 et 1980 sont jeunes, universitaires, citadins. Que ce soit la Fraternité Musulmane d’Egypte, la Refah en Turquie ou même, en grande partie, la révolution en Iran, les leaders sont des intellectuels, qui ont souvent fait leurs études en Occident. Il en est de même en Afghanistan et au Maroc. Les attentats de New York, de Madrid et de Londres sont moins inspirés par le Coran que par une idéologie anti-impérialiste liée à des théories économiques issues du marxisme. Autrement dit, l’islam conquérant est assez récent. Et il est mondial.
D’autres religions peuvent combiner la modernité avec des éléments traditionnels comme, par exemple, le parti Bharathiya Janatha en Inde. Mais l’islam, plus que l’hindouisme, se veut religion universelle, toujours en réaction contre le colonialisme occidental. S’il est exact que, dans un grand nombre de conflits sur la planète, le facteur religieux est présent, il n’en est pas moins vrai, pour la vision libérale ou «éclairée», que l’homme peut vivre, et même doit vivre, de telle manière que sa religion ne sorte pas de la sphère privée. L’homme «évolué» serait capable de se conduire sans être dépendant d’une doctrine ou d’un motif religieux.
Or, il apparaît avec évidence, de nos jours, que la religion n’est pas simplement ce qui alimente le côté «spirituel» de la personne, mais qu’elle est l’élément qui affecte tous les aspects de sa vie. La religion protestante des Irlandais du Nord et le catholicisme des Irlandais du Sud se présentent davantage comme une réalité culturelle que comme un credo religieux. Il devient donc de plus en plus difficile de comprendre les événements du monde contemporain sans tenir compte du facteur, fortement significatif, de la religion dans son sens le plus large. Cela est particulièrement vrai dans le cadre de la mondialisation.
La sécularisation elle-même peut revêtir un aspect religieux. Mais il est ici nécessaire d’apporter une nuance. La sécularisation a deux faces. Le côté positif est que la religion institutionnalisée, l’Eglise ne peut plus exercer une emprise qui ne lui appartient pas sur les affaires de la cité. Selon une juste compréhension de la notion de laïcité, idée voisine de la sécularisation aucune religion ne peut exercer sur la société une influence qui ne relève pas de sa compétence. Mais le danger de la sécularisation est de marginaliser la religion au point de lui faire perdre sa voix prophétique et son rayonnement. Cette sécularisation-là est comme une religion au bras inquisitorial.
Comme le fait très justement remarquer Jean-Paul Willaime, le risque est grand de faire de la laïcité qui a, certes, bien des qualités, une sorte de religion sans en avoir le nom. Il avertit contre la «laïcisation de la laïcité», ou athéisme de fait . En revanche, il plaide pour «une laïcité capable d’intégrer positivement les apports sociaux, culturels et éthiques des religions dans des sociétés d’individus en quête de repères et de motivations.»
En résumé, la mondialisation économique crée une grande interdépendance entre les pays et les personnes. Dans certains cas, cela suscite un enrichissement. Dans d’autres, un écart toujours grandissant s’établit entre riches et pauvres. Les moins privilégiés sont marginalisés et ne peuvent exercer aucun pouvoir. Ce double trait s’observe dans la grande ville et sa banlieue. La mondialisation sociologique crée un nomadisme et présente un bon et un mauvais côté. Les voyageurs modernes qui ont le goût de la découverte et de l’exploration découvrent des horizons nouveaux.
En contrepartie, le risque d’une perte d’identité, du sens est grandissant. La mondialisation s’accompagne d’un retour de la religion dans son acception la plus large. La remise en question de la vision libérale, qui refusait de reconnaître la valeur propre de la religion, est sans doute une bonne chose. Mais, en même temps, le facteur religieux ajoute une force parfois redoutable à l’anti-impérialisme et risque de faire surgir une culture terroriste qui ajoute, à la technique moderne, l’«arme» des slogans intégristes.
Ce texte est un extrait du livre « LE CHRISTIANISME ET SES DÉFIS » écrit par Jérémie TCHINDEBE.
Nous vous invitons à lire l’article suivant “La mondialisation selon la révélation biblique“.
Comments (0)