Le phénomène du dédoublement des sorciers et des médiums.
Le sorcier, par des paroles incantatoires suivies d’un rituel, peut sortir de son corps. On désigne communément ce phénomène en langue Fon par l’expression : « e ton sin akpamè », ce qui se traduit littéralement par « il est sorti de son enveloppe, c’est-à-dire de son corps ». Cela lui permet de se rendre partout, même dans des locaux hermétiquement clos. Ce pouvoir s’acquiert au cours du rituel d' »awawuwu », c’est-à-dire au cours du rituel de la poussée des ailes. Le sorcier ou la sorcière qui n’a pas encore subi ce rituel de la poussée des ailes ne peut se rendre à aucune des rencontres des sorciers sans se faire accompagner par un ancien qui le parraine ; et c’est sous le couvert des ailes de cet ancien qu’il effectuera tous ses déplacements.
Si un jour, pour une raison quelconque, cet ancien est empêche, il délègue son pouvoir de parrainage à un autre. Nous avons rencontré des cas où le pouvoir de parrainage a été délégué à des animaux comme le chat, le hibou, le lézard, etc. Et ce sont ces animaux qui s’en vont chercher le postulant sorcier pour assister aux repas et aux rencontres nocturnes. Quand le hibou vient chercher un postulant avec une calebasse dans la bouche, que le postulant sorcier le veuille ou non, il doit se rendre obligatoirement au lieu de la rencontre. Cette formule est utilisée quand les sorciers se rendent compte que leur candidat veut leur échapper.
Le sorcier utilise alors toutes sortes d’animaux pour ses opérations : le hibou, le charognard, la fourmi, le chat, le serpent, le cochon, la souris. Autrefois, les animaux les plus utilisés par les sorciers pour leurs opérations étaient les oiseaux. C’est pour cette raison probablement que l’agrégation à la sorcellerie se dénommait : réception d’oiseau. « e yi hè », c’est-à-dire «il a reçu l’oiseau».
Autrefois, quand on tuait l’animal utilisé par les sorciers pour leurs opérations, le sorcier mourait aussitôt après. De nos jours, les sorciers ne meurent plus quand on tue leur animal-substitut, parce qu’ils ont plusieurs animaux. Dès qu’on tue leurs animaux, ils tombent malades quelques heures, le temps de reconstituer l’animal tué. Comment font-ils donc pour reconstituer cet animal ?
Le temps le révèlera certainement. Pour le moment, nous n’avons aucun élément de réponse. Le sorcier manifeste aussi parfois sa présence par une lumière sous forme d’éclair, comme le flash d’un appareil photographique. Je me souviens encore du cas de la petite Claire de Golo-Yekon.
Un jour, alors que j’étais en train de faire les manœuvres pour sortir ma voiture du garage, une petite fille de neuf ans vint me voir au presbytère tout en larmes et me dit, toute paniquée : « Mon père sauvez-moi, mon papa vient de me donner en mariage forcé et je n’en veux pas ». Pris de compassion, j’ai demandé à mon stagiaire de s’occuper de la petite fille jusqu’à mon retour, et surtout d’accompagner la fille chez le maire pour faire une déposition. Ce qui fut fait. À mon retour le soir, il y avait un monde impressionnant devant mon presbytère. Je demandai alors ce qui se passait.
C’est là qu’on me fit comprendre que la petite fille qui s’était réfugiée au presbytère était en train de tout casser en exécutant des chants du vodun « Dan », et demandais à rejoindre son papa. J’étais totalement confus face à une telle contradiction, car je ne comprenais plus rien. Elle est venue d’elle-même, demandant de la sauver ; ensuite, elle se met à tout casser parce qu’elle veut rentrer chez elle. Ma procédure a été bien simple. Une fois rentré au presbytère, je lui ai demandé de sortir et de rejoindre immédiatement ses parents.
Du coup, elle s’est tue ; plus d’agitation; plus de chants. J’ai été par la suite convoqué par son papa chez le maire. C’est là que le papa me dit ceci en présence du maire : « Je n’ai pas encore ouvert le couvercle de la jarre et vous avez peur, vous criez et vous vous agitez; qu’allez-vous faire quand je vais retirer le couvercle de la jarre? ». Je lui ai répondu : « Je te l’ordonne, retire le couvercle de ta jarre ! ». Ce fut la réponse du berger à la bergère. Il resta quelques minutes interloqué. Puis il me serra la main en me secouant. Il est désormais le tuteur légal de ma fille ». Mais l’histoire n’allait pas s’arrêter là.
Je ramenai la fille dans le foyer des filles en situation difficile que j’avais fait construire à Golo-Yekon. La nuit suivante, toutes les filles ont vu entrer par des trous de la toiture du feu qui s’était orienté vers le sac de voyage de la petite fille de 9 ans. Promptement, elle s’est levée pour aller s’accroupir à côté du sac. Ensuite, elle y a pris un morceau de viande qu’elle a mangé. Le dortoir des filles ayant été éclairé pendant 3 à 4 minutes, toutes les autres filles en voyant la petite fille de neuf ans manger de la viande, ont pris peur.
N’ayant pas fini la quantité de viande de la nuit, le lendemain midi, elle a déposé le reste dans la sauce collective et toutes les filles en ont mangé. Vingt-quatre heures après, elles ont commencé à avoir des comportements bizarres. Après la prière du soir, nous avons entonné le « Salve Regina », et l’une d’entre elles, qui passait à côté de l’oratoire du presbytère au moment où nous entonnions ce beau cantique à la Vierge Marie, est tombée en agitation et s’est mise à parler en décrivant comment la petite fille de 9 ans lui avait donné la sorcellerie par la viande, comment elle s’était retrouvée aux réunions sorcières avec certaines personnes…
J’ai donc interpellé la petite fille de 9 ans qui me fit comprendre que son papa, la nuit, s’était transformé en feu et était entré dans leur dortoir et lui avait laissé un gros morceau de viande dans son sac. Quand elle a eu à partager ce morceau de viande avec ses camarades, elle se sont retrouvées, la nuit, au repas des sorciers, exceptées deux filles, bien qu’elles eussent aussi mangé de cette viande. Mais comment expliquer le fait que toutes les autres filles puissent voir du feu, alors que la petite fille sorcière de neuf ans voyait plutôt son papa en forme de feu ? Cela reste bien difficile à saisir par la raison.
Outre le feu sorcier, certains arbres servent de lieu de rencontres à ces actants spirituels de la nuit. Ils auraient le pouvoir d’y entrer, de s’y réunir, d’y manger (il s’agit par exemple de l’iroko, du baobab, et de certains grands arbres). Mais pourquoi ce sont ces arbres, et pas d’autres catégories d’arbres ? De nos jours, il faut toute fois reconnaître qu’il n’y a plus de particularité. Les sorciers utilisent toutes les catégories d’arbres. Tous les arbres peuvent donc leur servir d’espace de rencontres. Pour attaquer leurs victimes, ces sorciers utilisent des procédés très peu accessibles au commun des mortels.
(…)
Ce texte est un extrait du livre « L’Exorcisme face aux nouveaux défis de la sorcellerie, Témoignage d’un exorciste 2ème édition » écrit par Père Pamphile FANOU.
Nous vous invitons à lire l’article suivant “Le Phénomène De La «monnaie Préparée“.
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