LE RÉVEIL D’UN CONTINENT .
En 2000, les rédacteurs du magazine voyaient l’Afrique comme un continent pris dans une spirale de violence et de désespoir. On pouvait lire dans l’éditorial : « Le Mozambique et Madagascar ont été ravagés par des inondations, la famine refait surface en Éthiopie, le Zimbabwe a succombé à la violence soutenue par le gouvernement, la pauvreté et les épidémies vont bon train. Et surtout, la guerre continue à faire rage aux quatre coins du continent. » Ce tableau accablant s’achevait sur une touche fataliste : « La brutalité, le despotisme et la corruption existent partout, mais les sociétés africaines y sont particulièrement sujettes, pour des raisons profondément enfouies dans leur culture. »
Quelle différence dix ans après? « Du jour où j’ai pris mes fonctions, je n’ai pas arrêté d’entendre parler de cette fameuse couverture du « Continent sans espoir »», dit John Micklethwait, rédacteur en chef de The Economist depuis 2006. Voici ses réflexions sur cette couverture, et sur celle du très contrasté « Essor de l’Afrique » en 2011 :
« Certains se sont donné beaucoup de mal pour attirer mon attention sur le fait qu’une personne qui aurait investi dans un portefeuille d’actions africaines au moment où l’on disait de l’Afrique qu’elle était un « continent sans espoir » aurait fait une belle plus value. En 2011, comme nos journalistes écrivaient des articles sur la croissance de nombreux pays africains, nous en sommes venu à nous demander s’il n’y avait pas là un vrai sujet. Quand vous titrez sur une question importante, il y a toujours une poignée de gens pour vous dire : « On est au courant depuis des années »; la majorité aura l’impression de découvrir un phénomène nouveau puis s’apercevra que c’est une tendance de fond. Je pense que c’est le cas ici. »
John et son équipe ont reconnu que les prédictions de The Economist du début de la décennie étaient terribles. En 2011, leur éditorialiste a visité les mêmes pays et a trouvé le continent métamorphosé :
« Du Ghana, à l’ouest, jusqu’au Mozambique, au sud, les économies africaines enregistrent régulièrement des taux de croissance plus importants que presque partout ailleurs. Une bonne douzaine de pays ont crû de plus de 6% par an pendant six ans ou plus. Cette année, la croissance de l’Ethiopie aura été de 7,5 %, sans exportation de pétrole. Autrefois synonyme de famine, c’est maintenant le 10° producteur mondial de bétail… Il reste de graves disparités de revenus sur le continent, mais une véritable classe moyenne est en train d’émerger.»
De nombreux indices montraient que le continent allait dans le bon sens depuis plus de dix ans. On a vu baisser l’inflation, le déficit budgétaire ainsi que la dette, et augmenter la productivité et le PIB. À l’échelle du continent, les pourcentages de croissance estimée à moyen terme ont pris plus de 5% sur une base de 2 milliards de dollars (soit un peu moins que le Brésil et un peu plus que l’Inde ou la Russie). Parmi les dix pays ayant enregistré la croissance la plus rapide entre 2001 et 2010, on compte six pays africains. Si on se projette en 2015, ce nombre passe à sept.
Les facteurs exogènes comme la demande asiatique de matières premières sont souvent cités, et sont en effet d’importants moteurs de croissance. J’en évoquerai certains dans le chapitre 7. Toutefois, ils ne suffisent pas à expliquer la croissance de pays qui sont pauvres en ressources naturelles, ou qui exportent peu. Les chefs d’entreprise africains mettent en avant d’autres facteurs, endogènes, ayant joué un rôle clé dans le développement des dernières décennies. Même ceux qui ont réussi dans des secteurs très dépendants de l’export, comme le pétrole ou les minerais, attribuent la croissance de l’Afrique jusqu’à présent à trois dynamiques essentiellement internes :
– la révolution de la gouvernance;
– l’évolution de l’éducation ;
– la transformation des moyens de communication.
(…)
Ce texte est un extrait du livre « Ces Entreprises qui Réunissent En Afrique » écrit par JONATHAN BERMAN.
Nous vous invitons à lire l’article suivant « COMPRENDRE LES DIFFÉRENTES RÉGIONS AFRICAINES« .
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