Pour les hommes et femmes d’affaires sur les marchés développés, les marchés frontières sont passionnants. Ils sont aussi effrayants. C’est pourquoi les entreprises américaines, européennes, japonaises et même coréennes ont tendance à garder leurs distances. Leur monde, et leur vie sociale sont souvent cloisonnés.

C’est confortable, mais d’un point de vue commercial, adopter ce comportement en Afrique, c’est signer son arrêt de mort.

Il faut mettre les mains dans le cambouis pour comprendre le marché, justement parce qu’il est si différent du nôtre, et parce que nos hypothèses n’y seront pas validées. Voici la remarque de Bharat Thakrar à ce sujet : « L’autre jour, nous recevions un fabricant chinois de téléphones, à qui j’ai demandé : où sont vos bureaux à Nairobi ? Il m’a répondu qu’ils étaient sur l’avenue Luthuli. » L’avenue Luthuli est celle où tous les téléphones et les appareils électroniques sont vendus au détail, dans une foule de boutiques plus ou moins officielles. Bharat a poursuivi:

« Si vous demandez à une autre entreprise de téléphones plus grande où sont ses bureaux, elle vous répondra sans aucun doute qu’ils sont dans un joli quartier. Les Chinois sont installés là où est leur marché: c’est la bonne stratégie en Afrique. On ne peut pas se contenter de rester assis dans une salle de réunion, à élaborer des plans, et de faire venir pour s’occuper du marketing ou de la distribution des expatriés qui ne comprennent rien à la situation locale, mettent leurs enfants dans des écoles internationales chics, ont un train de vie de nababs… Il faut aller sur le terrain voir ce qu’il s’y passe. »

Quand Chris Kirubi investit, il sait ce qu’il se passe. Chris a été cité par Forbes parmi les 20 patrons africains les plus influents, et on pourrait facilement se tromper à son sujet et le prendre pour un homme qui reste au-dessus de la mêlée. Il possède un immeuble emblématique au centre de Nairobi, International House, dont tout le monde connaît le nom. Quand un visiteur vient le voir, le service de sécurité décroche un téléphone spécial et annonce : « Un visiteur pour le président. » Une fois franchi le seuil de l’International House : « Le président arrive. Le président est là ». Et quand il arrive enfin (en costume sur mesure, chemise et lunettes noires), on entend : « Le président va vous recevoir.»

Mais il ne faut pas s’y tromper. J’ai demandé un jour à Chris s’il avait fait des erreurs dans sa vie. « Bien sûr, m’a-t-il dit, je suis né pauvre. C’est déjà une sacrée erreur : devoir se battre pour sortir de la pauvreté, pour subvenir à ses besoins, à ceux de ses proches et des autres. Mais apprendre à s’en sortir est le plus grand et le plus savoureux des défis. Si j’étais né riche, il n’y aurait aucune excitation à rester riche. » Alors qu’il pourrait se contenter de regarder ses investissements fructifier, Chris explique qu’il préfère aller au charbon : « Je dis toujours à mes collaborateurs que je ne suis pas un champignon. Un champignon, vous le laissez dans le noir et vous le faites pousser avec du fumier. Ce n’est pas mon genre. Dans toutes mes entreprises, j’en sais autant que mes directeurs généraux. Parfois même plus, parce que je parle avec les employés ordinaires. Je ne passe pas par des intermédiaires ou des bureaucrates. Je travaille avec le plus petit salarié de l’entreprise. »

Il faut mettre sa main dans le cambouis …

Ce texte est un extrait du livre « Ces Entreprises qui Réussissent En Afrique » écrit par JONATHAN BERMAN.

Nous vous invitons à lire l’article suivant « CONSTRUIRE CE DONT ON A BESOIN« .

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