MON PÈRE, MON AMOUR.
D’aussi loin que je me souvienne, mon père, mon amour était un homme souriant et qui ne m’a jamais grondée. Il me traitait comme une vraie princesse de conte de fées. Il ne voulait pas que je me « fatigue » à apprendre à faire des tâches ménagères quand j’étais petite. À dire vrai, heureusement que ma mère était là pour me donner l’exemple de la personne travailleuse. Elle faisait beaucoup de tâches elle-même bien qu’elle ait des servantes.
Je me rappelle également qu’il était généreux et distribuait tout le temps de l’argent aux gens qui en avaient besoin. Ma mère était vraiment gâtée par lui alors même qu’elle travaillait et qu’elle pouvait s’offrir tout ce dont elle avait besoin et même au-delà.
J’étais très proche de lui car il était très démonstratif, chose rare pour un père Africain, et me faisait beaucoup de câlins. Dans la culture africaine, en général, il y a beaucoup de pudeur quant à la démonstration des sentiments. En Côte d’Ivoire, en tous cas, on ne dit pas « je t’aime », à ses enfants. Par contre, on se sacrifie pour eux, pour leur donner le meilleur et leur montrer qu’on les aime.
Au fond de moi, je lui en ai voulu de ne pas avoir été tout le temps là pour me protéger des dangers lorsque j’étais enfant. Par exemple, je me souviens d’une nounou qui nous emmenait mon frère et moi à l’école. Elle était méchante avec nous et hypocrite. Elle nous martyrisait en l’absence de nos parents. Personne n’avait vu cela en elle, jusqu’à ce qu’un jour, on ait le courage de tout raconter à notre mère. Elle a été renvoyée sur le champ.
J’en ai voulu à mon père de ne pas me considérer au point de dormir ne serait-ce qu’une seule nuit à la maison, avec nous. Quand Yona a peur la nuit, elle cherche son père. Je me suis demandé, à son âge, comment je faisais. Je pense à toutes ces familles monoparentales où le parent unique joue le double rôle, ou à ces enfants orphelins et abandonnés.
En ce moment, j’apprends à conduire, et une chose que me dit mon moniteur, c’est que personne ne marche en regardant ses pieds. C’est pareil pour la conduite. Eh bien moi, dans la vie, j’avançais en regardant mes pieds et non le chemin. À cause de la peur. Une peur irrationnelle de regarder vers l’avant, considérer un environnement, qu’au fond, je trouvais dangereux.
La peur rend aveugle. Et le fait que mon père, mon amour n’ait pas été tout le temps présent, a créé en moi une peur irrépressible de l’inconnu. Cependant, je ne peux continuer à vivre de la sorte…
Ce texte est un extrait du livre « MOI, ENFANT ADULTÉRINE » écrit par Colombe MAISON.
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