Un Cœur Qui Se Ferme.
J’étais tellement perturbée qu’à l’école, j’étais l’ombre de moi-même. Je vivais des choses qu’il m’était impossible de confier à quelqu’un parce que j’avais honte de ma vie. On m’a enseigné qu’il ne fallait jamais faire confiance à quiconque et cette phrase est restée gravée en moi. J’ai commencé à détester la vie qui m’était offerte. Je n’aimais pas ma maison, je n’aimais pas ma structure familiale. Je ne m’aimais pas. J’ai commencé non seulement à me renfermer petit à petit, mais surtout à me perdre.
Dehors, il me fallait paraître celle que je désirais être, faire semblant d’être heureuse et d’avoir confiance en moi. Je suis devenue la championne du semblant, mettant ainsi ma tête en avant et mon cœur bien derrière. Je m’étais interdite de m’attacher à quiconque, car s’attacher à quelqu’un signifiait systématiquement se mettre en situation de souffrance. Or, dans mes attitudes de femme forte et fatale, se cachait un cœur fragile qu’il fallait protéger de toutes menaces extérieures. Je ne devais jamais tomber amoureuse, car inévitablement, je courais la chance de souffrir. Oh ! Cette carapace involontaire m’a valu des éloges, des appréciations, de l’admiration.
Toute ma vie, j’ai bien pris soin d’adopter des comportements complaisants, de fondre dans le décor, de chercher à faire plaisir à autrui. J’ai appris à adopter des comportements qui respectent les codes de mon environnement. Tel un caméléon, je pouvais me donner l’attitude de la personne que je voulais représenter et sans grande difficulté, tromper les gens. Les multiples épreuves m’ont conduite à mettre mon cœur bien loin afin de le préserver de toutes souffrances supplémentaires, et cela me rendait forte. Je n’avais pas les chagrins d’amour que mes amies pouvaient avoir et les situations ne m’ébranlaient plus. Normal, je ne m’attachais à rien. Je ne comptais sur personne et les gens me traitaient comme la personne que je leur faisais croire que j’étais.
Je crois qu’au fond de moi, j’avais peur qu’une autre déception m’achève, moi qui étais considérée comme une femme forte. Mettre de côté ses sentiments te donne l’impression d’être plus fort et en contrôle. La vérité, c’est que ça te fragilise, t’isole, t’empêche d’aimer et de recevoir l’amour en retour.
Bizarrement, cette résolution m’a valu beaucoup de succès. C’est moi que les filles venaient voir lorsqu’elles avaient des peines d’amour. Je me moquais d’elles. « Comment peux-tu verser une larme pour un homme ? Comment ? Qu’a-t-il de si extraordinaire pour lui donner le droit de voler ton cœur ? Regarde dans quel état tu es ? » Mon assurance et mon détachement, ma conviction et mes paroles finissaient toujours par les relever. J’avais une nouvelle réputation, Jessy la femme fatale ! Je pouvais m’intéresser à un garçon, mais la règle 1, 2 et 3 étaient indiscutables : « Ne JAMAIS tomber amoureuse, car si un jour je devais être amoureuse, je serais en position de faiblesse. « J’avais donc beaucoup de prétendants. On dirait même que mon caractère les attirait.
C’était une époque où j’aimais sortir, faire la fête, m’inventer une vie bien loin de ma réalité. C’était dans les beaux quartiers de Paris que j’allais en boite de nuit, avec mes amis d’un certain rang social. Seules mes sœurs et quelques cousines connaissaient ma réalité. Je fréquentais des garçons de bonne famille, très cultivés, intelligents, beaux. Ils ne venaient jamais dans mon univers. Nous avions des sorties dans de jolis endroits de Paris et je faisais genre. Il n’était pas question de trop s’appeler ou de se voir plus de trois fois par semaine, car ça commençait alors à m’énerver. Je ne voulais pas trop d’attache.
Je devenais donc une sorte de défi ou de casse-tête pour eux. « Comment peux-tu autant me résister, moi, un homme beau et intelligent qui peut être avec les femmes qu’il veut ? Si ton cœur n’est pas encore tombé, cela est une question de temps, car aucune fille ne me résiste ! » Une autre règle d’or que j’avais : « Mon corps est la chose la plus précieuse pour moi et il est hors de question d’en faire n’importe quoi. Si un jour je tombais amoureuse et que je me mariais, alors je pourrais m’offrir à quelqu’un. » J’avais donc une certaine facilité à sortir avec un garçon, mais lorsqu’il s’agissait d’aller plus loin, c’était une autre histoire.
Derrière mon apparence de fille « sage », se cachait une grande dépendante affective. Je ne pouvais m’empêcher de séduire. J’aimais beaucoup trop mon corps au point d’en devenir orgueilleuse. Je m’habillais de manière sexy et j’adoptais des attitudes provocantes afin d’attirer les regards. Je faisais croire aux hommes que j’étais une femme expérimentée, bien que la réalité soit tout autre. Par esprit de provocation, je me suis maintes fois mise dans des situations dangereuses qui auraient pu être fatales pour moi.
Cet esprit de séduction m’emmenait à séduire même des hommes mariés, puis lorsque cela réussissait, je m’attaquais à une autre victime ! Malgré mon « corps de rêve », j’étais en réalité très mal dans ma peau. Bienheureusement, Dieu m’a délivrée quelques années plus tard de ce mauvais esprit.
Finalement, j’ai rencontré lors d’un emploi d’été ce jeune garçon, beau d’apparence avec qui j’avais échangé. Il partait en vacances deux mois au Congo. Je ne pensais pas qu’à son retour, il communiquerait de nouveau avec moi. De toute façon, les filles ne devaient pas lui manquer. À ma surprise, il me rappela. Nous avions échangé pendant plusieurs semaines. J’avais complètement oublié à quoi il ressemblait et il se peut que lui aussi. Quelque chose de bizarre s’était passée, je m’étais attachée à sa voix et c’était facile de parler avec lui sans être sur mes gardes. Il était une personne très authentique et attachante.
J’avais l’impression qu’il me faisait confiance, car il n’hésitait pas à me demander des conseils sur son cursus scolaire pour lequel il était désorienté, ou de me parler de sa vie personnelle, etc. Je pouvais parler avec lui tous les jours sans me fatiguer et être moi-même. C’est le genre de personne pour qui la valeur de l’amitié était importante. Tout le monde voudrait être l’ami d’une telle personne. Je ne me suis jamais souciée de le voir, tellement j’avais pris l’habitude de parler à mon mystérieux inconnu. – « Hey, depuis le temps, quand est-ce qu’on se voit ? – Ah oui, c’est vrai qu’il faudrait qu’on se voie. »
En fait, j’avais peur. Tout était si beau que, se voir allait sûrement gâcher la magie. Nous nous sommes rencontrés au Chatelet les Halles (à Paris) quelques jours plus tard. Je ne savais pas comment m’habiller. J’ai commencé à paniquer. « Jessy, fais attention à ne pas trop t’attacher. » Trop tard ! Au Chatelet, il y avait tant de monde et un garçon attendait devant la boutique du lieu de rencontre. « Celui-là est trop beau, je ne crois pas que ce soit lui. »
(…)
Ce texte est un extrait du livre « Quelle Est Ton Histoire ? » écrit par JESSY MAMBOU.
Nous vous invitons à lire l’article suivant “L’esclavage moderne“.
Un cœur qui se ferme.
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