La Bible Africaine ! Ce syntagme éveille les vieux débats au sujet des philosophies et théologies africaines des temps de Tempels, Tshibangu, Vanneste, Malula… qui sont des problèmes résolus depuis des décennies quand bien même certains érudits d’un classicisme plus occidental que tropical voudraient les revisiter. Oui, la Bible Africaine, c’est exactement de cela qu’il s’agit dans le livre que vous tenez entre vos mains, cher lecteur, et dont nous devons écrire la préface.
Toutefois écrire une préface aux Ta Biblia, c’est-à-dire le livre des livres, est une véritable gageure dans la mesure où chaque livre mériterait sa propre préface puisque chaque livre de la Bible Africaine a sa propre introduction.
L’originalité de cette Bible, dite Africaine, se trouve incontestablement dans l’approche contextualisée faite par les biblistes et théologiens africains des thèmes développés dans les passages bibliques. Partant des racines profondes de leur foi chrétienne, puisant aux sources intarissables de leur patrimoine religieux mais surtout culturel, ces exégètes en font échos dans leurs commentaires sur les mythes de création, les Proverbes, les récits des apparitions pour ne citer que ceux-là, en vue d’orienter la compréhension des Saints Écrits dans une perspective typiquement africaine.
Le mythe de la femme qui, en pilant son foutou ou foufou, éloigne le ciel de la terre et qui, du coup, éloigne Dieu des hommes, par exemple, traverse toute l’Afrique occidentale en ce sens qu’il est connu en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Togo, au Bénin, au Nigeria. En Afrique centrale, il existe chez les Giziga du Cameroun et au Congo (RDC). En Afrique orientale, les Dinka du Soudan en ont plusieurs versions. Ainsi, la problématique de la proximité initiale de Dieu et de son éloignement causé par l’action de l’homme éveille, dans l’esprit et dans le cœur des commentateurs africains, le thème du retour ou de la nouvelle proximité de Dieu, un sujet aux lourdes conséquences évoquant l’attente de Dieu, la réconciliation du Créateur avec sa créature.
En reconnaissant donc dans «< Le Verbe qui s’est fait chair et qui a demeuré parmi nous >> (Jn 1,14) l’objet de leur soif de Dieu et de leur attente d’une nouvelle et meilleure proximité de leur Créateur-les pronoms possessifs ont toute leur raison d’être puisqu’ils traitent de contextualisation – le Christ ouvre un nouvel horizon de foi pour tous les fils et filles du continent. C’est pourquoi La Bible Africaine est une Bonne Nouvelle non seulement pour les Africains mais aussi pour tous ceux qui désirent avoir une nouvelle compréhension et un nouveau regard sur les textes bibliques. Désormais, les amoureux de la méditation de la parole de Dieu, de la prière, de la liturgie, de la prédication, trouveront, dans la Bible Africaine, un précieux compagnon de leur vie chrétienne à travers les pages qui se déploient sous leurs yeux affamés, nous le souhaitons vivement, de lecture.
C’est un cliché d’affirmer que l’Afrique est marquée non pas par l’écriture mais par la tradition orale. Je pense qu’elle est plutôt marquée par la tradition de l’écoute. Que la lecture de La Bible Africaine devienne, cher lecteur, une écoute de la parole de Dieu : « À qui irions-nous Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 51). Lire et méditer la parole de Dieu présentée par la Bible Africaine, est une question de re-naissance et de vie pour tout chrétien africain d’aujourd’hui et de demain.
Mgr Raymond Ahoua Evêque de Grand Rassam,
Président de l’APECA
Le texte de “La Bible Africaine” est celui de la TOB, dernière édition, celle de 2010. Elle inclut les livres deutérocanoniques, admis par les catholiques, c’est-à-dire la Bible des Septante, mais face aux restrictions de l’épiscopat ivoirien, elle n’inclut pas les « autres livres deutérocanonique admis par les orthodoxes » (3ème et 4ème livre d’Esdras, 3ème et 4ème livre des Maccabées, Prière de Manassé, Psaume 151), que la TOB a ajoutés dans son édition 2010 dans un esprit œcuménique plus large.
Une Bible aux commentaires inculturés. Elle constitue une bible expliquée selon les critères de « l’inculturation africaine » permettant d’être « lue avec des yeux africains », a indiqué Sr Musuamba, précisant que les introductions, les notes et les commentaires sont écrits par des biblistes africains qui enseignent et poursuivent leurs recherches dans les différents instituts et universités en Afrique.
Ils font référence aux traditions et cultures africaines, utilisant même le vocabulaire local. Elle a comme ambition d’atteindre plus en profondeur l’homme africain et ainsi être plus facilement entendue et comprise par tous.
Pourquoi avoir publié une « Bible africaine » ? À quel besoin répond-elle ?
Nous avons lancé une « Bible africaine » dans le souci d’inculturation de la parole de Dieu voulue par l’Église d’Afrique. Le point de départ de l’inculturation, c’est l’incarnation du Christ lui-même, qui s’est rendu proche de nous pour véhiculer le langage de Dieu.
Cette inculturation se joue à deux niveaux : le premier passe par la traduction de la Bible dans nos langues locales. Deuxièmement, on peut parler d’une interprétation « africaine » particulière. En l’occurrence, nous avons introduit dans cette « Bible africaine » des commentaires pour relier le message biblique à ce qui constitue la culture africaine, c’est-à-dire des façons de sentir, de penser, de vivre et de s’exprimer propres à la culture locale.
Tout l’enjeu de cette inculturation, est de nous rendre proches de la parole de Dieu en prenant en compte les proverbes de chez nous, les régions de chez nous, les coutumes et traditions de chez nous.
En quoi les récits bibliques peuvent-ils être spécifiquement « africains » ?
Prenons la Genèse. Les Africains ont de nombreux récits de créations et un grand nombre d’entre eux ont des éléments en commun avec la Genèse. c’est le cas, par exemple, de la création des êtres humains, de la séparation avec Dieu et de l’origine de la souffrance. Le récit de la Genèse vient se recouper avec des éléments qui existent déjà dans la culture africaine. Le récit biblique ne nous est pas étranger.
Que révèle la lecture d’une bible africaine ?
On se dit que Dieu nous parle d’une façon particulière, en lien avec nos cultures. Quand l’Africain lit la parole de Dieu, cela pourrait paraître lointain à un certain niveau parce que les réalités évoquées ne sont pas nécessairement en lien avec celles qu’il pourrait connaître chez lui.
VOIX D’AFRIQUE
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